Un désert médical en Belgique
Ceci est un cri de désespoir face au tsunami qui se profile.
Je souhaiterais alerter nos autorités sur la pénurie désastreuse d’ophtalmologues (et de nombreux autres spécialistes) en province de Luxembourg.
Nous sommes actuellement 13 ophtalmologues dans notre province. Selon les chiffres Belges actuels, nous devrions être 29. En raison de l’âge moyen des mes confrères, dans 10 ans environ nous serons 4 ophtalmologues au lieu de 29. C’est-à-dire que 6 patients sur 7 devront consulter un ophtalmologue en dehors de la province.
Cette catastrophe ne concerne pas uniquement ma spécialité ni notre province.
J’y suis installée depuis 7 ans. Je refuse de prendre des nouveaux patients depuis 3 ans (en raison d’un agenda rempli à plus d’un an). Je faisais jusqu’alors une exception pour les enfants ayant des problèmes visuels en classe et cet objectif me tenait à cœur. Aujourd’hui, cela n’est plus possible. Il faut s’attendre prochainement à ce que des enfants ratent des années scolaires en raison d’une mauvaise vision (et ce sont des cas que j’ai déjà rencontrés), que l’amblyopie ne puisse plus être prise en charge, que des patients plus âgés perdent la vue par manque de dépistage rapide de pathologies, comme le glaucome et la DMLA, dans notre province.
J’ai fait mes études en vue d’aider les autres. Au lieu de cela je dois dépenser une énergie folle à refuser de les examiner, alors que je sais qu’ils en ont absolument besoin. Tous les patients ne savent pas se rendre à Bruxelles tous les mois pour leurs rendez-vous de contrôle de DMLA.
Dans une ère où l’écologie prime, quelle est la logique de demander à 30 personnes par jour de se déplacer sur Liège, Namur ou Bruxelles au lieu de stimuler l’installation d’un médecin sur place ?
De nombreuses choses ont déjà été tentées en Belgique, en France et ailleurs pour pousser les médecins à s’installer dans les régions plus reculées… je pense qu’aucune d’elles n’a été efficace.
Laisser passer plus de médecins ne changera rien à notre problème en province de Luxembourg, car ils continueront à s’installer aux mêmes endroits.
Ce que je propose :
- Un recensement et un cadastre des médecins par province. Par le biais d’un programme en ligne sur lequel les médecins actifs peuvent renseigner leur lieu de travail et leur temps de travail, afin d’établir les postes vacants par région et d’anticiper les besoins pour l’avenir. Etablir une liste par spécialité et par région du nombre d’équivalents temps plein manquants pour assurer un service minimum à la population locale.
- La mesure suivante ne prendrait effet que pour les étudiants n’ayant pas encore entamé leur cursus de médecine : A la fin de son cursus, il ne pourra occuper qu’une des places vacantes dans le pays. Si toutes les places de « service minimum » ont été attribuées, il pourra professer dans une région de son choix (en dehors des régions où règne une pléthore de médecins afin d’équilibrer à terme la situation).
- En cas d’installation du nouveau médecin dans une zone où l’offre médicale est suffisante, alors que les zones en pénurie ne sont pas comblées, un blocage du numéro d’INAMI serait prévu si celui-ci n’a pas été autorisé à s’y installer.
Cela permettrait de protéger la patientèle des médecins déjà installés dans les régions où l’offre est suffisante et de mieux répartir l’offre de soins sur le pays.
Entendons-nous bien que le lieu de travail peut différer du lieu de résidence, dans le cas où le médecin ne souhaiterait pas vivre dans la région en pénurie.
Cette proposition produira ses effets dans 10 ans. Il y a urgence !
Je vais dès lors me concentrer sur mes 13 000 patients et essayer de ne pas culpabiliser pour les milliers de patients que je ne saurai pas voir…
Dr Lampe Mélanie
Dr Lampe Mélanie Contacter l'auteur de la pétition